Tomber du ciel ou sortir de terre
(peinture et sculpture en mode végétal)
Liée à mon histoire personnelle, l’utilisation de feuilles, branches ou brindilles, éléments si ordinaires, mais si universels, me permet de tenter à la fois le silence, la lenteur et la solitude au milieu d’un monde chaotique et bruyant, peuplé d’une multitude de représentations photographiques et sonores plus ou moins imaginées. Pour filer la métaphore de l’arbre, je me développe lentement, sans urgence, au gré des errements d’une recherche incertaine, comme si la mort était loin. Corollaire de la lenteur et de la solitude, le silence est naturellement convié, et je crois bien que le végétal est la chose adéquate, tant il est synonyme de discrétion, de mutisme.
Il y a d’abord l’utilisation de matériaux locaux, trouvés à proximité de l’atelier, sur les bords de la Loire. Les brindilles de tilleul ou de bouleau, les branches de noisetier ou de laurier, de lierre ou de frêne, constituent toujours cette matière première qui n’est jamais utilisée telle que. Nettoyer, écorcer, emballer, peindre, sont autant d’actions qui viennent ensuite et qui participe à l’acte créatif, un long travail qui permet de réfléchir au devenir de l’objet d’art. En cherchant à construire des formes simples comme des cercles, des carrés, des cubes, des maisons ou échelles, des formes premières, il me semble valoriser l’irrégularité, le chaotique, l’imprévisible des éléments végétaux, bref leur spécificité. Le contraste naissant entre la rigueur des formes et l’aléatoire des tracés dans l’espace que provoquent les brindilles ou les branches, crée une force visuelle et symbolique que j’oserai qualifier de poétique, un étonnement toujours recommencé.
Emerveiller
Quand on me demande ce qui motive ma recherche artistique, j’oublie généralement une évidence, celle de la quête de la beauté. C’est un terme que l’on manie avec précaution dans l’art d’aujourd’hui, mais cela ne me gène pas de l’utiliser, de chercher une certaine forme d’émerveillement, de beauté dans ce que je réalise. Et quand bien même la beauté peut-être un piège, j’en suis conscient et je la revendique, qu’importe les critiques. Je cherche un ailleurs, pas un « ici », je cherche à ré-enchanter le monde.
Emouvoir
Et si la beauté passait par l’émotion que procure l’oeuvre créée, voire l’oeuvre en train de se faire. Il faut que je sois moi-même ému par ce que je fais, il faut que quelque chose d’indicible se passe pour que l’oeuvre advienne. Quand un « je-ne-sais-quoi » de puissant apparaît, tel un souffle, il me semble trouver ce que je cherche, l’espace d’un instant, le temps d’une oeuvre, et je peux espérer qu’il en sera de même pour un-e autre, mais là, je ne peux pas savoir, cela ne m’appartient plus.
Dessiner
Pour qu’il y ait émotion, j’en passe par le dessin. Je me permets de citer l’incontournable Henri Matisse :« Mon dessin au trait est la traduction directe et la plus pure de mon émotion. La simplification du moyen permet cela. » J’ai l’impression de ne faire que du dessin avec mes simples branches et brindilles, qu’il appartienne au registre figuratif ou non. Comme un trait de crayon ou de plume, la brindille ou la branche crée la forme, et on ne peut guère oublier son existence, et c’est là pour moi tout l’intérêt. Je souhaite donner corps au trait, à la ligne, à la limite des formes.
Je rêve de la limite des choses dans l’humilité de la brindille ou de la branche. Le trait de bois a un corps, une épaisseur, une texture, une matière, une couleur, on ne peut en faire abstraction derrière ce qui est représenté.
Colorer
Je cherche l’accord entre le dessin et la couleur, une adéquation guidée par mes sentiments, l’humeur, l’environnement et la destination éventuelle de l’oeuvre créée. Mon approche est très sensible. Je ne sais pas faire l’économie de la couleur quand je dessine avec mes morceaux de bois, la couleur est autant expressive que le tracé. La couleur est lumière, lumière profonde dans les branches plâtrées qui l’absorbent, ombres portées plus ou moins colorées, tout devient couleur-et lumière dans l’espace.
Architecturer
Comment peut-on négliger l’espace où s’inscrit l’oeuvre ? Réduit-on alors l’oeuvre à sa dimension décorative ? Ce sont ces questions qui me hantent. En quittant le cadre étroit du tableau de la peinture, je me confronte depuis une vingtaine d’années à l’architecture, je dialogue avec les lieux pour un travail in-situ, non transposable ailleurs en l’état.
En vérité, je crée des liens, des accords et des désaccords avec cet environnement. Outre la transparence, les couleurs franches, enfantines, viennent en rupture avec l’architecture solide, blanche du lieu, en s’amusant du sérieusement bâti en rêvant d’y habiter.
Habiter, rêver, construire.
Si l’on parle d’habiter, ne pense-t-on pas à se nicher, à occuper un espace, à se mettre en sécurité du monde extérieur, à se percher ?
Je donne forme à mes rêves en construisant ces habitations. De manière très minimaliste, de simples traits dessinent les formes également élémentaires. Tout est transparent et pourtant les volumes existent, l’air circule, la relation plein-vide est dynamique. Tout est immobile et pourtant tout semble en mouvement, en vie.
Tenter de faire rêver serait mon credo. Créer de l’étonnement, susciter une émotion serait ma tentative artistique !
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